Projet

Synthèse

Le projet a pour objectif de constituer avec une équipe européenne d’universitaires une base de données de lieux du patrimoine et de textes sources ou de textes cibles en Europe de la Bible historiale. Cette base de données sera rendue accessible à travers une double Interface de programmation (API) SPARQL/XQUERY spécifique dont une application sera une chrono-cartographie multilingue européenne interactive navigable en immersion totale qui servira de base pour un dépôt de demande de financement européen. Il y aura donc 3 livrables au projet en relation avec les Humanités Numériques :

Mais encore

Le français médiéval fut pour l'Europe la langue de communication savante, y compris théologique. La Bible historiale fut la la Bible la plus diffusée en France à partir de 1297 et ce, jusqu'en 1550. C'est un texte qui raconte la Bible et ce qu'il faut y comprendre : par exemple que si la Bible ne dit pas que la création du 2e jour fut bonne, c'est notamment parce que c'est la création des anges, et donc, du diable [X.-L. SALVADOR, 2019]. On trouve ainsi des représentations de la chute des anges pour illustrer le 2e jour, ce qui semble anachronique, dans de nombreuses églises en Europe sans que cela ne puisse se comprendre en dehors de la légitimation de cette interprétation dans un texte reçu comme canonique.

C'est donc une influence d’un courant biblique dont il convient de tracer les sources et de délimiter les influences. On trouve également de nombreux faits d'architecture comparables à la chapelle de Merléac (chapelle bretonne des Rohan dans la tradition des chapelles royales [V. AGRIGORAEI, 2019]), avec des textes en français, ou des peintures liées à des textes sur le modèle de l'historiale. Tout cela nous raconte quelque chose de la vie intellectuelle d'une époque qui avait son encyclopédie propre.

Il y a dans ce projet un enjeu de cartographie numérique des savoirs : que recenser, comment le raconter, dans quelles langues ? Comment collaborer à l'échelle européenne pour accélérer le traitement des Bibles qui sont présentes partout en Europe ? C’est un sujet qui intéresse particulièrement Jeanette Patterson de New York, Clive Sneddon de saint Andrews et tous les collègues italiens, roumains, espagnols fédérés par ce type d'études qui demandent une expertise sur le texte, sur le patrimoine ; mais aussi sur ce qu'il y a en amont (en latin) et sur les débouchés (dans les langues modernes). Le projet voudrait produire une API dont une forme sera un atlas diachronique interactif des patrimoines matériels et/ou littéraires qui permettent la visualisation interactive de l’influence du texte dans l’Europe médiévale et qui contribuent à la clarification de ses sources tout en permettant la collecte dynamique d’informations nouvelles auprès de deux acteurs : l’équipe internationale constituée et les publics européens. La réussite du réseau sera concrétisée par un dépôt de candidature auprès des instances européennes, ce qui constitue un somme de travail conséquente.

BaDoBidEM constitue un enjeu pour l’étude et la représentation interactive des sources et des influences de la Bible sur la culture médiévale, associant de larges publics depuis les chercheurs jusqu’aux usagers des institutions publiques des différents partenaires. C’est un fragment pertinent qui illustre la construction européenne en exploitant les potentialités offertes par la modernité des données massives (« mégadonnées ») pour créer une cartographie des lieux d’influence du patrimoine biblique dans le monde médiéval et renaissant et à travers tous les lieux de patrimoine concrets ou abstraits à travers une collection de représentations numériques interactives et ordonnées dans le temps. Il s’agit donc de construire le lieu de récollection des données qu’elles soient:

L’ensemble repose sur la constitution d’une série de bases de données XML en vue de la production d’un ensemble de services REST/WEB dont une forme pourrait être un atlas interactif des données de la recherche européenne sur la Bible médiévale. C’est un champ encore ouvert pour la Recherche qui suscitera de nombreuses thèses en Humanités Numériques. Il se fonde sur l’interopérabilité des bases de données textuelles, contextuelles, iconographiques et de recherches pour converger vers une installation de services Web épaulés par une API dédiée à la collecte mais aussi à l’exploitation éditoriale des données relevées. Il permettra ainsi d’avoir accès à un niveau très savant de consultation de cet atlas interactif sur la base de données philologiques scientifiques mais en même temps d’élargir le spectre des données collectées à différents niveaux d’acteurs impliqués ou intéressés et de redimensionner la consultation des bases de données en fonction des exigences de consultation depuis le niveau « expert » jusqu’au niveau « grand public » en créant a priori deux étapes intermédiaires rassemblant les publics étudiants et scolaires et les associations savantes. La dimension numérique des études, la possibilité de prendre en compte les formats multimédias et de créer des corpus alignés permettent aujourd’hui, comme l’ont prouvé les récentes études de la FIDEM consacrée au « Past and future of medieval studies », de concevoir une recherche renouvelée par les évolutions de la technologie. La connaissance de la Bible, par ailleurs d’un point de vue culturel et patrimonial plutôt que théologique ou spirituel, constitue un enjeu majeur de la civilisation européenne. Elle marque l’avénement du français comme langue universelle ; elle fait entrer le monde occidental dans la modernité ; elle a un enjeu politique. BaDoBidEM prétend contribuer à chacun de ces niveaux par la coopération d’un réseau destiné à s’accroître. La complexité philologique, iconographique et culturelle du corpus biblique médiéval est particulièrement représentée par le corpus de la Bible Historiale. Cette analyse doit toutefois être étendue systématiquement à la Bible du XIIIe siècle comme l’a récemment rappelé Clive Sneddon. Cette complexité de composition se double d’une remarquable complexité traductologique comme l’a démontré Céline Guillemet.

Le corpus opère de manière exemplaire une stratification des traditions sources et enchevêtre les interprétations « des histoires » cristallisant une tradition iconographique que l’on retrouve en divers lieux. Les fresques de la chapelle saint Jacques en Merléac par exemple récemment révélées par les travaux de restauration ont permis de mettre à jour les détails textuels qui inscrivent la chapelle dans la tradition des chapelles illustrées palatines que l’on rencontre en Angleterre et en France durant la période médiévale. La mise en relation du programme iconographique avec les traditions historiques de la Bible de Guyart des Moulins montrent de fortes résonances qui laissent envisager de nombreuses découvertes possibles après le balayage des régions représentées au sein du projet. La Bible Historiale constitue sans doute un observatoire main stream des évolutions ultérieures de « la Bible », expression masquant l’hétérogénéité du Livre-Bibliothèque. Sa composition – 1297 – hérite d’une vaste tradition et se poursuit jusqu’aux premières Bibles imprimées (Guillaume Le Roy, 1476, Lyon, Pierre Farget éditeur; puis Jean de Rély 1487). C’est pourquoi BaDoBidEM se concentrera en premier lieu sur une représentation des données « au prisme » de la Bible Historiale puis élargira progressivement les observations au corpus antérieur de la Bible du XIIIe siècle, et à tous les champs de recherches susceptibles de contribuer à cette encyclopédie biblique d’un genre nouveau.

Le périmètre du projet scientifique couvre l’intersection entre les études épigraphiques, la linguistique médiévale, la conservation du patrimoine et les humanités numériques. Si le projet aborde la question des états anciens de la langue française, il s’agit de mettre cette dynamique au service de la révélation quantifiable, comptable des données textuelles de la Bible Historiale et de ses liens avec le patrimoine européen sur le modèle de ce qui a déjà été fait pour la chapelle saint Jacques en Merléac. Contrairement à ce que l’on peut observer dans les projets PaLaFra, OLD ou PROFITEROLE, il ne s’agit pas de modéliser les états de la langue ou de rendre accessibles des données déjà connues des livres d’érudition, mais bien d’apporter une connaissance nouvelle, panoramique, de la réalité d’une connaissance fondamentale pour saisir la construction de la pensée occidentale en prise avec le terrain à l’image du travail déjà entrepris avec la DRAC-Ouest et de l’étendre à plusieurs institutions paneuropéennes dans le but de décrire le passage de la Bible en ancien français et sa diffusion auprès des chrétiens du Moyen Âge à la Renaissance. C’est un enjeu majeur du patrimoine européen dans la mesure où le français, langue de communication scientifique comme l’avait déjà montré le projet ANR Crealscience, est la langue essentielle de la diffusion des savoirs de Paris à Varsovie dans la période du XIIIe siècle jusqu’au XVIIe siècle. Par ailleurs, un tabou culturel attaché à l’étude biblique frappe d’un certain interdit la question de la connaissance du patrimoine biblique chrétien. Des projets comme PLURITEXT, consacrés au judaïsme ancien, mettent en valeur les sources d’archéologie textuelles ; plus généralement BIBLINDEX contribue à dépouiller le corpus des sources chrétiennes et à rendre accessibles la localisation des lieux de discours les plus importants. Le projet de dictionnaire théologique HTDS est lui-même un projet majeur qui contribue aux études théologiques. Toutefois, peu de projets s’intéressent à la matérialité culturelle en reconnaissant toute sa part au texte biblique mais décontextualisé, envisagé comme une encyclopédie médiévale dont l’influence a été majeure que ce soit dans l’Espagne d’Alphonse X qui rend hommage au Maître en Histoire(s), comme dans l’Allemagne protestante de la Renaissance dont la connaissance de la Bible est en partie tributaire de ce texte. Le travail que nous entreprendrons permettra de visualiser sur une carte interactive et d’accéder aux ressources disponibles en ligne, voire de rendre de nouveaux lieux enfin accessibles, et de montrer à la fois la force et l’impact de cet objet de la civilisation médiévale dans le paysage européen. Contrairement à BIBLISSIMA qui s’intéresse à toute forme de patrimoine écrit médiéval, et pas seulement biblique, BaDoBidEM ne s’intéressera pas uniquement au patrimoine écrit mais également architectural et esthétique au prisme des influences du texte français de la Bible uniquement. Enfin, à l’exemple des travaux menés par Marcello Vitali Rosati à Montréal pour la publication des données du codex Palatinus, le consortium compte s’appuyer sur le réseau WiCri (référent: J.-O. Gransard Desmond) afin de mobiliser la communauté de recherche en relation avec celui des bénévoles de la galaxie Wikipedia pour donner naissance à une forme enrichie de crowd Sourcing sur le modèle des dix principes du plan S de la science ouverte [https://www.scienceeurope.org/coalition-s/].

Les possibilités offertes par la coopération des bases de données multilingues XML à travers une plateforme Basex (Christian Gruen, membre du consortium), permettraient d’offrir à l’utilisateur selon son degré d’implication, un large aperçu des ressources collectées:
- le chercheur, à travers l’API, pourra collecter et participer à la construction des bases de données
- mais le grand public pourra également, dans un niveau d’authentification réservé, contribuer largement à cette enquête (crowd sourcing) et consulter des données d’enquête généralement uniquement accessibles aux publics spécialisés. Cette façon innovante d’aborder les enjeux de la recherche en Humanités Numériques participe à la redéfinition des contours du texte comme objet d’études dans nos disciplines et garantit la production de connaissances nouvelles.